Mon expérience propre des cafés philos

1) L'INSPIRATION DE L'ANIMATEUR

Mes études littéraires (même si elles touchaient à ma sensibilité, davantage que les études scientifiques préalables que l'on m'avait imposé) n'ont jamais suffi à me trouver et à me réaliser en tant qu'être humain...

L'accumulation de la culture, une rigueur et une rationalité caricaturale, des jeux de pouvoir grossiers m'empêchaient de trouver le profond de mes désirs et une véritable avancée.

Bien sûr des parcelles de "révélation" ou d'inspiration (l'extase en lisant un livre ou un désir, presque un état de transe pour écrire 3 lignes) mes questionnaient, m'attiraient. Mais la discontinuité et la non-logique qui côtoyaient ces moments m'ont complètement censuré.

L'art, je le savais, n'était pas n'importe quoi ; il y avait l'inspiration mais il y avait aussi le travail mais comment les faire se rencontrer naturellement ?

Les choses se sont passées autrement en musique (il est vrai que comme la philo ou la poésie, les portes sont moins cadenassées que pour beaucoup d'autres arts).

Pour moi, au départ, la musique a été tout simplement une pratique, un vécu personnel, des rencontres pleines d'inspiration avec quelques grands professeurs les choses ont pu se passer différemment. La priorité du "corps", l'acceptation et la certitude d'une inspiration physique qui se concrétisait rationnellement m'ont donné plus de confiance. Et surtout un travail qui m'amenait sur-le-champs à une jouissance inspiratrice qui me poussait immédiatement à un autre travail.

Mes allées et venues entre réussite et échec ne me parvenaient plus comme un signal de lâcher prise, mais tout simplement comme l'élaboration ordonnée -même si elle est difficile- d'un travail inspiré.

J'ai donc pu expérimenter par moi-même combien on barrait la route à tout être humain désirant vivre, et j'ai pu aussi le vérifier dans mes activités de pédagogue avec mes élèves.

Il y a une vérité : Tout pédagogue, tout être passionné dans sa vie et dans ses actions, celui qui en parle à l'autre, doit être inspiré et faire participer l'autre, échanger. En voyant combien les structures pédagogiques, les moyens culturels inhibent l'homme, brisent des vies et des vocations, j'ai eu envie de me tourner vers les cafés philos. Le combat pédagogique que m'avait transmis Lise Jacob, j'ai eu envie de l'élargir à la société.

2) L'INSPIRATION POUR LES PARTICIPANTS

Pour un participant, il y aura toujours moyen de rentrer dans un café philo, d'avancer dans sa vie avec l'avantage que le café philo attirera une plus grande diversité d'hommes que l'art.

Ce qui s'y passe, les échanges intérieurs/extérieurs, identité/altérité/passivité/activité tournent tous autour du phénomène de l'inspiration.

Par exemple, l'apparente "passivité" de certains n'implique pas un non savoir ou un échec comme le craignent certaines personnes qui découvrent les cafés philos. Elle peut simplement et le plus souvent impliquer un grand respect des autres, une exigence par rapport à la culture. Par contre elle peut aussi signifier tous les interdits -culturels ou psy- et l'émulation du café philo pourra y remédier.

De même l'activité extrême pouvant déboucher sur l'agressivité ou la non écoute sera en général régulée si l'intervenant désire avancer et construire.

La discontinuité apparente des propos suscitera et proviendra d'un labeur sur soi-même et de son rapport à la culture qui s'instaurera au fil du temps. Elle sera au contraire un moyen de construire une véritable unité de vie et de pas être censuré par une névrose de l'échec.

Enfin pour terminer, c'est à partir de la formule de Jean-Luc Berlet qui est devenu mon associé que j'ai choisi un mini exposé de 15 mn au début du café, travail inspiré par ma vie, mes échanges, et la culture philosophique, mais surtout un travail qui veille à ne pas s'enliser et qui dans le dialogue qui suit va se renourrir, s'inspirer, fonder de nouvelles questions.

CONCLUSION

Comme en musique, la présence de l'inspiration, évidente s'il y a motivation et amour, nous pousse à nous réguler.

Un pianiste trop "matheux" sera obligé de découvrir un travail sur son corps, une acceptation de rechercher des plaisirs s'il veut réussir son interprétation.

Inversement, le pianiste utilisant l'instrument comme un défouloir physique et passionnel devra passer à la rationalité, et à une sagesse de contrôle s'il ne veut pas se pousser à l'échec et construire une véritable unité face à son instrument.

Il en va de même dans le café philo

Le participant devra :

- Dépasser son non-discours s'il était dans un refuge trop personnel ( sans pour    autant nier sa personnalité ! )

- Se réguler s'il était dans un besoin de se montrer, de prouver des idées et de ne jamais écouter les autres.

L'animateur devra : 

- S'impliquer davantage dans l'amour s'il ne savait que montrer sa culture ou se prouver par elle.

- Mettre un lien plus logique entre ses affects et sa culture, les faire communiquer si au contraire il y avait trop d'affect ou une révolte caricaturale contre la culture.

 

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