Bonjour à tous en ce dimanche de Juin 2005.
Je
fais retour à mes 20 années de profession d'enseignement du piano, et je ne
peux ici que rendre tout d'abord hommage à Lise Jacob, femme du prix nobel
Francois Jacob, qui me donna la chance insensée de me lancer dans la musique
de manière professionnelle et de prendre le risque de quitter mes études de
lettres au niveau de l'agrégation.
En
ce jour pour lequel Nietzche avait prophétisé à la fin du 19ème "
l'absence de valeurs reconnues et de reliances, la perte du sentiment et de la
conscience globale , du caractère global de l'existence humaine, la
disparition de l'unité entre la vie intérieure, le comportement et les actes
de l'être humain, unité broyée par la multiplicité et la complexité des
évènements extérieurs."
Ces
propos se reflètent en effet dans le désengagement de notre époque, tant
sur le plan politique que sur le plan artistique: l'art se déclare souvent
terminé depuis les années 1970: "sur le plan des idées, tout a déjà
été pensé, toutes les découvertes sont faites: en un sens , en art , tout
est fini" J Cage.
Cela
dit, pourquoi ne pas prendre quelque recul au milieu du vacarme ambiant de la
violence omniprésente, de l'angoisse contemporaine dont nous sommes
continuellement abreuvés, si ce n'est par notre réel, au moins par les médias.
Notamment
avec la musique……………
Bien
sûr, ce n'est pas du tout facile de demeurer "libre penseur et libre
acteur" au milieu de tout ce fatras chaotique que diffuse avec excitation
nos médias.
Mais
peut-être qu'on peut voir réapparaitre au milieu des trajectoires; tel un
"vaisseau fantôme" des
moments amples et naturels, ressourceurs de vie, d'énergie et d'amour. Pour
moi, tel est ce moment de fête de mes 20 ans d'enseignement concrétisée par
l'audition de mes élèves pour cette fin d'année scolaire.
Ce
moment où j'en suis sûre sera senti grâce à mes élèves l'unité de la
musique et de l'être humain où l'on sent davantage l'être que l'avoir, la
vie créatrice que la mort, l'évolution que la décadence, le courage et la
volonté bien plus que le renoncement. C'est enfin un moment où doute et
indifférence s'écrasent derrière enthousiasme et foi.
J'espère
que ce sera un moment pour que se perpétue tous ceux qui ont vocation
d'initier en s'initiant, d'éduquer en s'éduquant, de révéler en se révélant.
L'éducation
bien comprise n'est pas seulement une préparation à la vie ou à l'art et à
la culture: elle est en elle même une manifestation permanente et harmonieuse
de la vie.
Ce
sont mes fibres pédagogiques et maternelles qui m'ont amené sur scène qui
m'ont amené sur scène: les élèves m'ont formé et continuent de le faire,
mon fils- ici présent- en naissant a lancé le déclic : je tenais aussi à
lui en rendre hommage.
Mes
élèves m'ont aidé à monter sur scène; j'espère que je les amènerai à
se révéler et à se réaliser.
Pour
moi, ce travail est toujours aussi passionnant: un morceau travaillé pour la
100ème fois reste pour moi une expérience nouvelle, parce que je m'adresse
à quelqu'un qui la découvre et donc "recrée" l'œuvre. Je me
trouve face à ses demandes, ses interrogations et je refais le chemin avec
lui.
Une
seule nécessité pour le prof et l'élève: désir et "patience":
le musicien est aussi un artisan consciencieux. Chaque jour, il faut apporter
quelque chose de nouveau, polir et repolir son ouvrage avec patience et
passion, avec sérénité. On ne parle pas assez de la patience et trop du
"don": ou alors le don pour moi n'est pas qu'on soit "programmé"
: c'est la force intérieure qui nous pousse à ne jamais renoncer dans la
vie.
Pour
terminer, quelques phrases de Van Gogh dans ses lettres à son frère Théo,
ponctué par une phrase de la sagesse chinoise.
"Pourrait-on
ne pas avoir de la patience, ne pas apprendre de la nature à avoir de la
patience en voyant silencieusement lever le blé, croître les choses!
Pourrait on s'estimer une chose si absolument
morte que de penser qu'on ne puisse même plus croître!"
"je
suis un artiste: il va de soi que ce mot implique en lui la signification de
"toujours chercher sans trouver la perfection". C'est tout juste le
contraire de " je le sais déjà, je l'ai déjà trouvé"
et
pour conclure, un peu de sagesse chinoise:
"Ne
crains pas d'avancer lentement, craint seulement de t'arrêter"
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